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Contre la pénalisation de la prostitution
22 novembre 2017

Comment faire annuler la pénalisation ?

     

AssembleeNat29nov2013        Les citoyens attachés aux libertés peuvent remercier chaleureusement Jean Gouyot, pénaliste de par son cursus, pour ses démarches actives auprès d'avocats et de politiques visant à faire annuler par le Conseil Constitutionnel la loi scélérate.

Il vient d'ouvrir un blog intitulé  Droit et Morale : http://droitetmorale.over-blog.com

Il m'a communiqué un grand nombre de lettres, envoyées et reçues, et de références, qui témoignent de son action inlassable. J'en extrais ci-dessous un certain nombre d'éléments. Les détails juridiques sont trop compliqués pour ce blog qui n'est pas destiné à des juristes, mais n'hésitez pas à me questionner. Je répondrai publiquement ou par courrier individuel, ou bien je transmettrai à Jean Gouyot les questions (je ne suis pas juriste).

Interpellations.

Voyez aussi les articles que je reproduis dans un billet qui suivra bientôt.

Europe 1, 23 septembre 2016 : 249 amendes dressées en seulement six mois.

Un quinquagénaire a été surpris dans la forêt de Fontainebleau, dès le premier jour. D'autres hommes ont par la suite été verbalisés, à Paris, dans le bois de Vincennes mais aussi à Narbonne, qui affiche à elle seule une cinquantaine d'amendes. Dans la plupart des cas, les clients reconnaissent les faits, mais tous ne paient pas l'amende maximum de 1.500 euros. Le montant est adapté en fonction de leurs revenus. En général, ils s'acquittent d'une amende de 300 à 500 euros.

Le Parisien du 10 avril 2017 : Paris : plus de 400 clients de prostituées épinglés depuis un an.

Dans les camionnettes, sur les boulevards des Maréchaux, aux portes de Paris, dans les bois de Boulogne et de Vincennes ou dans des salons de massage, la loi qui pénalise les clients entre en application. Les clients ont été épinglés « en plein exercice, précise une source policière, le pantalon en bas des jambes. »

Le Parisien du 29 Août 2017 : 1164 clients de prostituées interpellés au 1er juin 2017. Titre de l'article : Reconnu coupable lundi d'avoir eu recours à une prostituée, il a engagé un combat juridique contre la loi répressive de 2016.

 

Des « malfaiteurs » ont été pincés à Paris, à Arras, à Lille, en Savoie, à Valence, et ailleurs. Il semble que les interpellations se soient passées dans la rue (fourgonnettes, bois de Vincennes et autres, quartiers mal famés) et non dans le cadre de rencontres discrètes négociées sur internet avec des « escortes ». Donc au détriment de clients peu fortunés ou mal informés. Les condamnations n'ont, semblent-il, jamais dépassé 300 euros, ce qui est loin des 1500 euros prévus par la loi. Mais le Dauphine.com du 9/8/2017 fait état de la possibilité de « peines complémentaires » : confiscation du véhicule, suspension du permis de conduire : un scandale absolu, qui témoigne de caractère totalitaire de notre « république ».

Rien à attendre du STRASS.

Voici un extrait d'une lettre à Jean Gouyot (Mai 2016).

Cher monsieur Jean Gouyot,
[…] Nous ne sommes pas à vos ordres et nous vous prions de garder vos directives et insultes pour vous. Nous n'avons besoin de personne pour nous dicter la façon dont nous devrions mener notre lutte ou pas. Vos mails agressifs et insistants ne sont une aide pour personne et pour ma part seront désormais considérés comme des spams et traités comme tels. […]
Si Maître Caballero […] souhaite nous apporter son aide et ses conseils d'une manière ou d'une autre, il sait où nous joindre et je suppose qu'il peut tout à fait se passer de vos services d'intermédiaires et de thuriféraire que personne n'a sollicités. Or, comme vous le savez, nous sommes le Syndicat du travail sexuel :
nous défendons les intérêts de travailleurSES du sexe : pas ceux des clients.

Mon commentaire : Crétinisme absolu ! Les « intérêts » de ces travailleurs, il faudrait écrire « les droits », sont inséparables de ceux des client ! Et ces ridicules majuscules : « travailleurSES ».

Il nous est donc impossible d'intervenir dans la défense de ceux-ci. Si le prévenu arrêté récemment souhaite faire appel à Maître Caballero ou n'importe qui d'autre, je suppose qu'il saura bien le faire tout seul ou peut-être avec votre aide, puisque vous semblez habité par le désir de lui venir en aide, ainsi qu'à tous les clients.
En tant que travailleurSES (
sic) du sexe, éluEs (resic) et/ou allié.Es (reresic), nos stratégies, combats, actions et lutte pour nos droits ne vous concernent en rien, pas plus que nos "consciences" ou nos convictions auxquelles vous faites référence. Nous n'avons ni comptes à vous rendre, ni leçons à recevoir. […]Cordialement (sic ! vue la teneur de la lettre).
Maîtresse Gilda, Porte Parole, Strass - Syndicat du travail sexuel
PS : ceci sera mon seul et unique courriel en utilisant "répondre à tous" 
et n'appelle aucune réponse.

Une réponse (excellente) de Jean Gouyot :

« Nos combats ne vous concernent en rien » : Vous vous trompez et ce sera ma dernière mise au point avec vous. Le STRASS n'a pas le monopole de la liberté de défendre les travailleurs du sexe. C'est une question qui concerne tout le monde, car bien au delà de vos humbles personnes, avec cette loi, c'est la liberté de tous qui est en péril. Je considère que le grand malheur, c'est la catégorisation des intérêts individuels. On se cloisonne à son "quant à soi" alors que c'est avec l'autre que l'on est plus fort. Et je vous le dis, même si je ne suis pas client. Je me sens menacé par cette loi car elle ne s'arrêtera pas à vous, aux seuls travailleurs du sexe. Cette loi n'est qu'une étape vers une société plus dure. Et demain ce sera autre chose, je ne sais quoi. Mais encore bien pire. Et moi, quand je me sens menacé au regard des anticipations législatives, je dis qu'il faut savoir réagir.

 

Cabiria ne vaut pas mieux : Extrait d'une réponse à J. Gouyot (19 avril 2016).

Ce que vous dites, nous le connaissons déjà, je parle ici des assos qui luttent au quotidien avec les travailleuses du sexe. Nous avons pas attendu la loi pour ça… du coup, vous me prenez de haut, je vous emmerde à mon tour et vous demande de ne plus nous envoyez de mail. Lâchez les putes ou faites ce que vous avez à faire avec celles que vous connaissez…

 

Rien à attendre du Sénat ni des députés.

Le Sénat s'était opposé à plusieurs reprises à la pénalisation des clients des prostituées, mais il n'a pas été jusqu'au bout de sa position en demandant l'annulation de cette loi par le Conseil Constitutionnel. Pourquoi ? La sénatrice Esther Benbassa avait initié des démarches, soutenues par Robert Badinter, ancien garde des Sceaux et autorité incontestable en matière juridique. Elle a pourtant été contactée par Jean Gouyot qui lui a proposé un argumentaire (dont je mettrai en ligne des extraits). Elle a laissé passer le délai de recours au Conseil Constitutionnel. Son opposition était donc pure posture publicitaire.

Les députés qui ont voté contre la pénalisation n'ont rien fait non plus. Tous des lâches ! Voir la faible présence dans l'Assemblée au moment du vote dans mes précédents messages de 2016. Le Front National avait voté contre la pénalisation mais, tout comme E. Benbassa, il se désintéresse des droits des prostitués comme de leurs clients. (En bon français, le masculin pluriel désigne les personnes des deux – voire trois ! – sexes concernés.)

Cela témoigne de la part de tous ces élus, et même de ceux qui s'étaient un temps opposés, d'un mépris profond des droits et libertés, en principe garantis par la Constitution.

 

Et les tribunaux ?

La possibilité pour les inculpés de poser une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) c'est à dire de faire ce que n'ont pas fait les députés et sénateurs, s'est trouvée jusqu'ici rejetée, au mépris du droit (loi de 2008). 12 personnes vont être poursuivies devant le tribunal de Valence. Vont-elles poser une QPC ? Avec quelle énergie ?

Maître Francis Caballero, 4 av. Chalgrin, 75016 Paris, cabillou@orange.fr offre gracieusement son aide à tout avocat qui envisagerait de poser une QPC. Maître Nicolas Gardères a posé une QPC à Albertville. Il est question d'un pourvoi en Cassation. Je n'entre pas dans le détails de ces actions judiciaires complexes.

L'argument du tribunal de police d'Albertville laisse perplexe, ainsi que le présente J. Gouyot, d'après ce que l'avocat (Maître C. Thill ) lui a expliqué. Le tribunal a écarté la QPC au motif que "la prostitution n'est pas légalisée par la loi du 13 avril 2016, mais entre dans une zone de non droit", donc pas n'est éligible à une QPC. Or, cette thèse, à la lecture notamment du guide pratique des QPC (disponible sur internet), ne sauraient prévaloir. En effet, cf. page 2 du Guide : la QPC est posée devant une juridiction afin que le Conseil Constitutionnel puisse juger si une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit.

ll ne s'agit pas ici, pour le juge d'Albertville, de répondre à la question de savoir si la prostitution est légale, car elle l'est : (1) en application du principe de la Déclaration des Droits de l'Homme (article 5, à valeur constitutionnelle: La Loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société. Tout ce qui n'est pas défendu par la Loi ne peut être empêché (et donc la prostitution), et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas, et (2) du fait que la jurisprudence de la CJCE et de la CEDH reconnaissent ces activités en tant qu'activité économique et sur le plan de la liberté sexuelle (pour autant qu'elle s'exerce sans contraintes):  Les libertés, sexuelle et d'entreprendre, sont reconnues par le droit européen : CJCE Jany, Pretty contre Royaume-Uni et K et D. contre Belgique.

Extrait d'une lettre de J. Gouyot au STRASS qui commente ce jugement bizarre.

Jusqu'à cette loi, quand vous faisiez du racolage passif, vous étiez "sujet de droit" en l'occurrence « délinquant », maintenant que l'on a supprimé le racolage passif, vous êtes dans une "zone grise" inexistante juridiquement, vous êtes des non-personnes juridiques, dont l'activité économique est pourtant reconnue par le fisc.

De manière surprenante, le tribunal d'Albertville dit que seule une prostituée indépendante a qualité légitime pour soulever une QPC, pour défendre son activité économique représentée par le client que l'on pénalise. Le Tribunal considère que seule une prostituée non contrainte à cette activité pourrait prétendre qu’elle subit une limite à sa liberté d’entreprendre et en conséquence le client ne pourrait pas défendre cette liberté et que s’il le faisait, il serait alors sous le coup de l’inculpation de proxénétisme.

On refuse à vos clients l'exercice plénier des droits de la défense qui aboutirait à l'annulation de cette loi de pénalisation du 13 avril 2016, en disant que c'est à vous de vous défendre, alors que vous n'êtes pas poursuivie ! Donc, on dénie à vos clients –  au mépris du principe constitutionnel des droits de la défense, cf. la décision du 2.12.1976 – le droit de soulever une QPC, alors que c'est un droit absolu, qui ne se discute même pas, car on estime que c'est à vous (qui n'êtes pas poursuivie) de le faire.

 

Précision sur l'affaire d'AlbertvilleLe client a été interpellé le 16 janvier 2017 par les gendarmes sur la commune de Saint-Vital, à proximité d’Albertville. Il n’a eu aucune relation sexuelle avec une prostituée parce que les gendarmes sont intervenus avant qu’il ne l’ait fait. Il n’a, de plus, pas payé la prostituée. Il a donc été condamné sans relations sexuelles et sans paiement.

Il a été condamné seulement (100 euros) parce qu’il s’apprêtait à monter dans la camionnette d’une prostituée.
Insupportable flicage. 

 

 

 

 

 

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Commentaires
R
Bonjour, <br /> <br /> Je me permets de vous contacter afin de savoir si pour la pénalisation des clients, il faut obligatoirement un FLAGRANT DÉLIT ? <br /> <br /> <br /> <br /> Ou alors, si on est filmé par une caméra, et la plaque d'immatriculation du véhicule également, on peut être poursuivi ultérieurement ? <br /> <br /> <br /> <br /> Dans mon cas, j'ai eu recours à une prostituée, et après l'acte, j'ai constaté la présence de caméras. Mais tout ceci s'est déroulé derrière un bâtiment privé et non directement sur la voie publique. <br /> <br /> Pensez-vous que je puisse avoir des ennuis plus tard ? Sachant que la prescription d'une contravention est d'une année. <br /> <br /> Cordialement.
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