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Contre la pénalisation de la prostitution
8 juillet 2014

Actualités sur la loi scélérate

Senat   La commission spéciale du Sénat a publié son rapport sur la loi PéPro, scélérate. Je le commente ci-dessous. Je signale que la CNCDH, la commission nationale consultative des droits de l'homme s'est prononcée le 22 mai  contre la pénalisation des clients de la prostitution (Le Nouvel Observateur, 5 juin, page 28). D'après cet article, elle ne cherche pas à défendre les libertés fondamentales des citoyens ni à s'opposer au racket envisagé, mais cette mesure "pourrait s'avérer contre-productive parce qu'elle risquerait d'isoler davantage les victimes de traite et d'exploitation sexuelle."

Le rapport du Sénat

Le Sénat doit examiner la loi adoptée en première lecture par l'Assemblée Nationale le 4 décembre. Il a créé une « délégation » qui a publié son rapport (250 pages) :   http://www.senat.fr/rap/r13-590/r13-590.html

Ce rapport comporte des compte-rendus d'auditions de députées, de membres de comités divers, de sociologues, d'un commissaire de police, de responsables d'associations. Il propose 11 recommandations et une synthèse qui commente les auditions et explique les recommandations.

Recommandation 1 :La délégation souhaite que soient adoptées les dispositions de la proposition de loi concernant la pénalisation de l'achat d'actes sexuels et la responsabilisation des acheteurs.

Ce rapport va donc malheureusement dans le sens liberticide de ce qui a été adopté par l'AN en décembre. C'est cette recommandation particulière que je conteste. Pas l'aide au changement de métier pour les prostituées en exercice, ni la lutte contre les mafias, les réseaux et les violences qu'ils pratiquent. La prostitution de rue pourrait être avantageusement remplacée par une pratique officielle et discrète, en salons de massage et en appartements. Le statut d'autoentrepreneur est fait pour cela. La qualité du service y gagnerait (mais pas le moralisme imbécile qui nous impose moultes interdictions).

 Autres recommandations.

 Recommandation n° 2. - La délégation juge nécessaire l'abrogation du délit de racolage, indispensable à l'instauration de relations confiantes entre les personnes prostituées et la police, dans la logique de l'encouragement des personnes prostituées à s'engager dans un parcours de sortie.

 Je n'ai rien contre cette recommandation (même si les « relations confiantes » avec la police me font rigoler), mais le commissaire auditionné est contre cette disposition (voir ci-dessous).

Recommandation n° 6. - La délégation souhaite que l'égalité entre les hommes et les femmes s'insère dans les programmes d'enseignement de l'école, du collège et du lycée, et dans toutes les disciplines.

« Dans les programmes de toutes les disciplines » : c'est évidemment grotesque. On va faire bouffer à nos chers petits de l'égalité H/F comme on leur fait déjà bouffer des camps de concentration, du dévelopement durable, de l'esclavage (atlantique bien sûr, pas question d'évoquer l'esclavagisme musulman), de la colonisation (qu'ils confondent avec l'esclavage) et autres dogmes politiquement corrects, plutôt que de leur faire apprendre des choses importantes: maths, français, physique, de l'histoire non biaisée par des vaines repentances à visées communautaristes etc.

Recommandation n° 7 : vous la trouverez dans le texte complet sur le site du Sénat. Ce sont les profs qui bouffer de l'ABCD de ce que vous savez. Comme si les leçons de morale ne suscitaient pas des réactions d'opposition. On va bien rigoler dans les lycées avec les « projets » sur la prostitution. Voyez ci-dessous « Perpignan », audition 7.

Parmi les personnes auditionnées on ne trouve (évidemment) personne proposant de reconnaître les services sexuels comme des services à la personne aussi utiles que d'autres, ni aucun juriste qui aurait pu relever la contradiction flagrante entre les recommandations 1 et 2 ! Certaines personnes auditionnées ont exprimé des points de vue contraires aux opinions arrêtées par avance de la commission. Je me propose de relever ces contradictions.

Mes remarques sur certaines auditions.

1) Yann Sourisseau, chef de l'office central pour la répression de la traite des êtres humains (Police judiciaire).

Il s'exprime contre la recommandation 2, considérant que la suppression du délit de racolage rendra difficile la lutte contre les réseaux mafieux et la traite. Il indique au passage que certains sites de rencontres sur internet « coopèrent » avec ses services ! Il déclare :

 « La prostitution n'est pas interdite en France et elle ne pourrait d'ailleurs pas l'être car ce serait contraire à nos engagements internationaux et au principe de liberté. Je ne vois donc pas comment pénaliser le client de quelqu'un qui exerce une activité qui n'est pas illégale. On pourrait poursuivre le client d'une prostituée qui se livre au racolage - si le racolage reste un délit. Pour des raisons évidentes, cette complicité serait difficile à prouver et il serait encore plus difficile, si on décidait de pénaliser les clients, de prouver qu'une personne est bien le client d'une prostituée.

Les Suédois procèdent simplement : ils rentrent dans les chambres d'hôtel. Mais un officier de police judiciaire est obligé de respecter les procédures et de quel droit pourrait-il préjuger les relations entre deux personnes qui sont dans un hôtel ? Et comment pénétrer dans une chambre sans porter atteinte aux libertés individuelles, au respect de la vie privée  Si on pénalisait les clients des prostituées, cette mesure serait pratiquement inapplicable. »

 2) Janine Mossuz-Lavau, Directrice de Recherches au CNRS (Sciences-Po). Je cite ses propos, qui ont été souvent développés par d'autres, sans effet notoire sur les autistes qui prétendent former « un homme nouveau » au moyen d'une « pédagogie" fondée sur le racket  :

« Des personnes prostituées m'ont mise en contact avec certains de leurs clients que j'ai interrogés de manière anonyme. Les résultats ont alors été plus fructueux. Cependant je précise que je n'ai pas rencontré les « méchants », ceux que les prohibitionnistes mettent en avant, les clients violents, les violeurs, les assassins, les grands pervers ; j'ai été face à « monsieur tout le monde ». Les récits des prostituées elles-mêmes, bien sûr, ont été une autre source d'information.

...

Je voudrais ajouter que pénaliser les clients ne fera pas disparaître le fait prostitutionnel mais développera, comme le montre l'histoire, les pratiques clandestines qui exposent davantage les prostituées et diminuent la prévention des maladies.

...

Le texte voté à l'AN émet un signal contradictoire : il abolit la loi Sarkozy (racolage) et semble dire aux personnes prostituées qu'elles pourront à nouveau travailler tranquilles ; mais il pénalise les clients, autrement dit leur interdit d'approcher les prostituées. Je n'en saisis pas la logique. Attention à ne pas faire plus de mal que de bien !

...

Bref, toutes les femmes ne sont pas victimes de traite et de réseaux, violées, droguées ; il y en a, bien sûr, mais le phénomène est bien plus complexe.

...

Vous évoquiez la marchandisation du corps humain. Les prostituées ne vendent pas leur corps, elles vendent une prestation. Leur corps, elles repartent avec, cela n'a rien à voir, par exemple, avec la vente d'organes. La transaction porte sur des services sexuels, pas sur leur corps. »

Malgré la remarque faite à plusieurs reprises au cours des auditions que la prostituée ne « vend pas son corps » mais un service à la personne, les membres de la délégation reprennent systématiquement cette absurdité.

 3)  Michel Bozon, Directeur de recherches, Institut national d'études démographiques , relativise (trop au goût de la délégation) :

« La perception de la pornographie change à chaque époque. Ce sont les canaux de diffusion de la pornographie qui sont nouveaux. En outre, les discours sur la sexualité se multipliant, les images explicites de la sexualité ne tiennent pas de rôle prépondérant dans le façonnement des comportements. Les adolescents qui regardent de la pornographie savent que c'est du cinéma et comprennent que c'est de la transgression, ce n'est pas pour autant qu'ils ont des rapports sexuels plus précoces que les autres.

La pornographie constitue en France un abcès de fixation de l'anxiété adulte. Ce n'est pas le cas dans d'autres pays, davantage préoccupés par les grossesses adolescentes, l'alcoolisme, la drogue, le déclin du mariage et de la famille, le sida et les violences sexuelles. L'adolescence est l'âge de la curiosité et de la transgression, sans laquelle il ne saurait y avoir d'apprentissage. S'habiller « sexy » en fait partie. Au demeurant, ce sont des transgressions conformistes, car tout le monde s'y livre. Se focaliser sur la pornographie empêche de traiter les vrais problèmes touchant la sexualité des jeunes. »

 4)  Nathalie Bajos, sociologue-démographe, directrice de recherche à l'INSERM :

« La violence et l'argent sont bien sûr centraux dans la relation de prostitution. Notre enquête ne les nie pas, elle se borne à interroger le schéma-type du client et à déconstruire les stéréotypes. Elle fait ainsi apparaître, contre les idées reçues, un continuum entre clients et non-clients. Il y a des rapports de violence dans la relation de prostitution comme dans le couple. Les clients de personnes prostituées n'ont pas nécessairement de représentation violente de la sexualité. Les femmes déclarant accepter un rapport sexuel sans en avoir envie, juste pour faire plaisir à leur conjoint, sont nombreuses, surtout lorsque leur autonomie dans le couple, pour des raisons financières par exemple, est faible. L'acte de prostitution n'est pas toujours empreint de violence, même si c'est souvent le cas. Reste que la violence est accentuée par la précarité des conditions de vie des personnes qui se prostituent, et pourrait augmenter avec la relégation de la prostitution dans la clandestinité. »

Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation : « Vendre son corps est en soi une atteinte à l'égalité. » 

Idiotie ! Pas plus que vendre des frites! L'égalité ? Tout contrat repose sur une différence entre l'offre et la demande. 

N. Bajos. - « Certaines femmes mariées ont des rapports sexuels sans en avoir envie et sans en tirer du plaisir. Cela aussi, c'est une violence. De plus, les prostituées ne disent pas vendre leur corps, mais vendre un service sexuel. Notre enquête se borne à dégager la signification sociale de la prostitution. La violence n'est pas systématique dans la prostitution. J'ai beaucoup de mal à faire passer ce message au sein du Haut conseil, car cela va à l'encontre de nombreux discours et de nombreuses enquêtes fondées sur des échantillons non représentatifs. Je précise que la question que nous avions posée est celle-ci : « Avez-vous payé pour avoir un rapport sexuel ? » ; ceux qui offrent un appartement à leur maîtresse ont sans doute répondu non... »

Merci Nathalie!

5) Sylvie Bigot-Maloizel, docteure (sic, pourquoi pas doctoresse?) en sociologie de l'Université de Caen-Basse-Normandie,  a travaillé sur La prostitution sur Internet : Entre marchandisation de la sexualité et contractualisation de relations affectives et notamment sur les « escorts ».

B. Gonthier-Maurin. - « Et la pénalisation des clients ? »

S. Bigot-Maloizel. - « Elle ne fera pas disparaître la prostitution. Elle prendra d'autres formes, au risque d'une fragilisation des personnes prostituées qui devront se cacher davantage. D'ores et déjà, sur Internet, pour éviter l'accusation de racolage, des sites précisent que toute relation sexuelle sera considérée comme liant des adultes consentants sans échange d'argent, malgré des photos dépourvues d'ambiguïté. »

Jean-Pierre Godefroy, président de la commission machin-truc- « Comme, de toutes manières, les choses sont décidées lors d'un contact téléphonique, on voit mal comment la police pourrait prouver qu'il y a prestation de service rémunérée. »

S. Bigot-Maloizel. - « L'échange d'argent sera difficile à établir et il sera difficile de prouver qu'il portait sur une relation sexuelle, et non sur les autres prestations. »

J.P. Godefroy - « Les policiers que nous auditionnons le disent : dans la mesure où le client vient volontairement sur le site, il est difficile de prouver le racolage. »

6) Corinne Bonchoux, membre de la délégation, n'a pas voté pour la recommandation de pénalisation du client :

« Je reviens à la proposition de loi : n'aurait-il pas été préférable de travailler sur une proposition de loi concernant la lutte contre les mafias, dans laquelle un texte sur la prostitution et l'aide aux prostituées se serait ensuite inscrit tout naturellement ? En effet, le texte actuel doit porter à lui seul la lutte contre les réseaux de prostitution et la prise en compte du sort des personnes prostituées.

Au regard de l'enjeu économique majeur que représente la prostitution, la lutte contre les mafias aurait dû faire l'objet de travaux significatifs de nos institutions respectives, ce qui n'a pas été le cas. On ne s'attaque pas à la vraie question des mafias. »

On lui répond, sans surprise, « grands principes » à l'appui :

 « Néanmoins, même si cette proposition de loi ne permet pas d'éradiquer la prostitution, elle est un témoignage important du message (n'importe quoi ! Une loi n'est pas un message, ou alors, c'est une loi « symbolique » comme me l'a dit sottement un candidat maire du PS) portée par notre société : l'humanisme et l'égalité sont pour nous des valeurs structurantes, ce qui suppose que l'achat de services sexuels soit interdit. (Où est le rapport ?)

 

On ne peut accepter que l'achat du corps de l'autre (sottise standard), et principalement (pourquoi ? Les droits humains concernent aussi les mâles) celui des femmes, soit un commerce légal. Accepter l'achat de services sexuels tout en luttant contre les représentations symboliques et collectives préjudiciables aux femmes n'est pas cohérent. [...] Cette proposition de loi est donc particulièrement importante pour des raisons d'éthique. »

Fermez le ban. Toute objection est irrecevable.

7) Sophie Avarguez, directrice du département de sociologie de l'Université de Perpignan :

« Notre étude [sur la prostitution en Catalogne et ses clients français] a intéressé une jeune artiste qui, avec le soutien du Conseil général, développe un projet dans une classe d'un lycée du département, pour mettre en place des outils pédagogiques et artistiques sur la prostitution. Le proviseur du lycée a proposé que l'année prochaine, tous les projets de classe du lycée soient consacrés à cette thématique. »

 Si c'est pas beau, ce « projet » ! Il va falloir remplacer l'ABCD que vous savez par l'ABCDP , et en faire profiter tous les lycées de France et de Navarre !

Le texte de synthèse.

Bien entendu Internet est dans le collimateur des fliquesses bien-pensantes. On peut lire néanmoins (page 17) après les complaintes habituelles :

« Par ailleurs, les échanges de courriels et de coups de téléphone qui suivent l'annonce relèvent de la correspondance privée et, par conséquent, leur surveillance obéit à des conditions strictes. Enfin, les pouvoirs d'investigation des enquêteurs sur Internet sont limités par l'interdiction juridique de « tendre des pièges » aux prostituées et aux proxénètes (et aux clients? J'ai des doutes) : la provocation n'est pas autorisée. Leurs possibilités se limitent à entrer sur le réseau, à déposer des messages anodins et à attendre une réponse. Cette technique d'entrée en relation rend très difficile, d'après les spécialistes, de remonter la chaîne d'un réseau. »

Peut-être mais le policier Sourisseau a révélé que des sites de rencontres « coopéraient ». Pour racketter comme prévu, ils ne se gêneront pas pour piéger les clients. Suit la complainte standard :

« La délégation déplore la faiblesse des moyens disponibles pour lutter efficacement contre la prostitution sur Internet et s'étonne que des sites Internet qui relèvent manifestement du proxénétisme ne puissent pas être supprimés. Elle s'en remet toutefois à la commission spéciale pour faire sur ce sujet complexe les propositions qui permettraient de progresser dans ce domaine. »

On trouve aussi cette fine remarque (page 30) :

« La délégation constate que la prostitution se caractérise, du côté de l'acheteur, par le malaise et le mal-être ! »

Et alors ? Ces féministes veulent rendre les clients heureux malgré eux ! Elles n'ont pas compris que le « mal de vivre » est partout, et que l'on fait comme on peut, dans un monde de merde, où l'on vous a jeté sans vous demander votre avis. Cigarette, drogue, sexe, accumulation de fric, recherche de pouvoir sont de minables palliatifs, certes ! Prétendre construire "l'empire du Bien" en est un autre.

L'indispensable pénalisation de l'acheteur : effets préventifs et intérêt pédagogique (p.48)

« La pénalisation de l'acheteur est tout d'abord susceptible d'exercer un effet dissuasif sur certains clients ; sa portée éducative doit également être privilégiée. »

Plus loin :

« L'autre intérêt de la pénalisation est pédagogique ; il s'agit de poser une limite simple et de rappeler un principe essentiel : il n'est pas de tolérable qu'un être humain achète les services sexuels d'un autre être humain. »

Ridicule : le mariage c'est cela depuis des siècles !

« Cette valeur pédagogique de la loi est suffisamment importante en soi pour justifier la mise en oeuvre de la pénalisation du client en France. »

La liberté des relations entre adultes consentants, elles (et les châtrés qui les suivent),  s'en foutent. Il faut se méfier par dessus tout des gens qui veulent éduquer les autres et produire « un homme nouveau » !

« La dimension pédagogique de la pénalisation de l'acheteur s'adresse également à la jeunesse : il est impératif de sensibiliser tant les jeunes garçons que les jeunes filles au fait que monnayer leur corps est contraire à la dignité humaine. »

Il ne s'agit pas de « monnayer son corps », ce qui ne veut rien dire, mais son temps, comme dans un travail salarié sans intérêt intrinsèque pour le travailleur.

Conclusion :

Ce rapport contient des comptes-rendus d'auditions intéressants, mais qui n'ont pas modifié les préjugés bien-pensants pompeusement affirmés sous couvert « d'éthique » et de « valeurs structurantes » de la commission. Malgré plusieurs observations, celle-ci persiste à maintenir l'équation fausse :

prostitution = commerce du corps = violence = indignité humaine.

L'indignité vient des conditions d'exercice du métier, imposées par les abolitionnistes.

 

 

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Contre la pénalisation de la prostitution
  • Il s'agit de réunir des ressources permettant de s’opposer à l'adoption définitive de la loi de pénalisation de la prostitution, d’en limiter les nuisances, de la ridiculiser (ainsi que ses souteneurs) et d’aider les futures victimes à se défendre.
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